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Publié par Régine BIANGONGA

O(Eaux)RIGINES

Là où virent le jour grands-parents et parents côté père et mère était la terre féconde, la campagne vallonnée, le dur labeur paysan ; il y eut celui qui, outre son travail de cultivateur-éleveur, devint maire du village à son retour de la grande guerre jusqu’à sa mort au mitan de la seconde guerre mondiale ; ce même dont le portrait ornait le mur de la salle à manger montrant un regard franc, un front plissé concentré, une moustache d’époque ; celui qui lui succéda, hérita de la ferme et de la maison, fut mon père ; qui, outre son travail d’agriculteur, s’acquittait de son écriture claire et droite de la déclaration de sinistres tels que le saccage d’un champ de maïs par les sangliers pour les assurés du village auprès de la caisse d’assurance agricole ; ce même qui se délectait à la lecture de Patapouf en dernière page du Pèlerin en esquissant un tendre sourire ; sur l’autre versant, il y eut celui qui, outre la gestion d’une exploitation terrienne, fut précurseur en l’achat d’une voiture Prairie dans les années cinquante la conservant en état de marche quarante ans durant ; ce même qui l’heure de la retraite venue s’adonna à la confection de paniers d’osiers tressés de ses fortes mains dextres ; celle qui fut ma mère, migra d’un plateau ouvert sur le Cézallier pour un autre au sud du Livradois lors de ses épousailles ; cette même qui, outre les tâches ménagères, les soins aux enfants, la traite et le gardiennage des vaches, créait nos habits de toute pièce, de la découpe à la couture, s’asseyant face à la Singer, faisant pivoter d’une main ferme les étoffes assemblées par l’aiguille enchâssée de fil entrainant le mouvement de l’autre par un appui léger sur la roue le tout cadencé du pied posé sur la pédale ; quand moi-même, fille ainée de la fratrie, je m’extirpais de ces ancrages ancestraux dès mes vingt ans, quittais le village, gagnais la ville universitaire de Clermont-Ferrand puis la capitale un diplôme de technicien informaticien de gestion en poche ; qu'embauchée par une banque spécialisée en prêts immobiliers des beaux quartiers parisiens j'alignais les lignes de codes informatiques compréhensifs par les seuls ordinateurs, que les terres d’origine s’éloignaient imperceptiblement de ma vie urbanisée, métroïsée, banlieusardisée, que vers les trente cinq ans je changeais de lieu de travail ; que La Défense monstre froid de verre, de béton, d’acier fut mon horizon, que mon imagination transforma le parvis de l’esplanade en un immense champ de blé, parsemé de bleuets et de coquelicots où la moissonneuse batteuse s’activait, coupait la récolte où les hommes en bras de chemises y manœuvraient tracteurs et remorques sous un haut soleil dardant ses forts rayons, que ce fut un point de fracture, que je repris des études, m’appropriais un autre métier, devins travailleur social, à l’écoute des autres, disponible pour les accompagner au gré de leurs difficultés ; que je renouais tangiblement avec une part des legs paternels ; et qu’outre le métier exercé, la cinquantaine venue, je m’appliquais assise à ma table de travail à faire jaillir le mot juste, la phrase limpide en un tissage digne des gestes créatifs transmis de mes aïeux maternels et que je m’abreuvai à la source vive issue des roches originelles sise en terre de Limagne auvergnate ; réconciliée.

O(Eaux)RIGINES

Ecrit réalisé dans le cadre d'un atelier d'écriture d'Aleph Ecriture en octobre 2015 : Ecrire ses filiations avec la contrainte de la phrase longue enchainant relatives et principale.

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