Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Régine BIANGONGA

 

Qui se préoccupe réellement des formations en travail social ?

Les politiques ? les collectivités territoriales ? les institutions de formation ? les entreprises ? la société civile ? A mon sens, personne. C'est un angle mort de notre vie en société d’aujourd’hui. Hérités et construits au fil du temps selon des filiations hétérogènes parfois antinomiques, à la fois chrétiennes et laïques, les centres de formations au travail social voguent, parfois prennent l’eau, sont soumises à des vents contraires et demeurent dans un équilibre instable toujours précaire. Existe-il une grande loi qui prenne à bras le corps l’ensemble des problématiques des formations en travail social ? Un cadre général pensé englobant l’ensemble des spécificités de ces formations ? Plutôt, des articles de lois « rustines » imbriqués dans des lois générales ayant trait, par exemple[1], à la réforme de l’enseignement supérieur, à la décentralisation de la prise en charge de la formation professionnelle au niveau des régions, à la réglementation gratifiant les étudiants effectuant des stages longs assimilables à un réel travail, à la réforme de la grille indiciaire (catégorie B notamment) des agents des fonctions publiques (d’Etat, territoriale et hospitalière). Au cours de l’examen de ces lois ou parfois lorsqu’elles sont déjà promulguées, il apparaît soudain qu’elles ne parviennent pas à prendre en compte la spécificité des centres et des formations en travail social tels qu’ils subsistent encore, aujourd’hui. Tout se passe comme si l’on voulait ignorer ce pan entier d’acteurs de la société ne leur laissant qu’une portion congrue alors que leur cœur de métier est de créer, maintenir, rétablir, raffermir les liens sociaux entre les individus pour faire société. 

Prendre en compte la spécificité du travail social, lui donner (redonner ?) une place de choix au sein de la société, le considérer (reconsidérer ?) comme un des rouages essentiels du bon fonctionnement du vivre-ensemble et du « faire société » passe par la reconnaissance (re-connaissance) de la spécificité, de la singularité à part entière des formations au travail social.

 

La formation pratique est une spécificité de la formation en travail social 

Actuellement, pour ce qui concerne les formations du noyau central de ce que l’on nomme les travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs spécialisés, conseillères en éducation économique et familiale, éducateurs de jeunes enfants[2]), la formation est étalée sur 3 ans et constituée d’enseignements théoriques et d’une formation pratique de 12 mois au moins. Pour la formation d’assistant de service social et l’arrêté du 29/06/2004 relatif à la réforme au Diplôme d'Etat d'Assistant(e) Social(e) « La formation pratique (…) participe à l'acquisition de compétences dans chacun des domaines identifiés au sein du référentiel professionnel. ». La formation pratique est constitutive de la formation et me semble-t-il ne peut être réduite à la notion de stage telle quelle s’utilise, se pratique dans les cursus universitaires où le stage intervient en fin de parcours pour mettre en application les cours théoriques. C’est là, une spécificité de nombre de formations en travail social.

Depuis la loi sur l’égalité des chances votée en 2006 obligeant les employeurs de droit privé à gratifier financièrement les étudiants effectuant des stages de plus de 3 mois (réduit à 2 mois depuis) dans leurs structures, les étudiants en formations sociales ont été confrontés à la difficulté de la mise en œuvre de cette loi générale qui s’applique mal aux particularités de la formation en travail social et aux lieux de stage relevant souvent des fonctions publiques non soumises au départ à l’obligation de gratification des stages de plus de 2 ou 3 mois. Face à cette situation, les différents acteurs du champ du  travail social se sont mobilisés : organisations en collectif d’étudiants (notamment CNETS –Collectif des étudiants en travail social), manifestations, interpellations par voie de presse et directement aux instances politiques des organisations professionnelles (ANAS, FNEJE, France ESF, ONES) et des représentants des centres de formation (Aforts et GNI)[3].

Cependant, les revendications et les spécificités des formations en travail social peinent à être reconnues et à obtenir des conditions de formations satisfaisantes pour les étudiants. Ainsi sous couvert de permettre aux étudiants en travail social de valider leurs formations et de trouver des lieux de formation pratique, le Sénat a adopté un texte supprimant l’obligation de gratification des stagiaires accueillis dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Créant en cela, une inégalité supplémentaire entre les étudiants du champ social et les autres et les rendant à une précarité étudiante criante mais invisible aux yeux du plus grand nombre.

 

La reconnaissance de ces formations au niveau Bachelor (Bac + 3) n'est toujours pas acquise et demeure problématique

La spécificité des formations en travail social s’exprime également dans le niveau de rémunérations auxquelles sont affiliées les professions et les diplômes du champ social (pour les AS, ES, CESF, EJE) au sein de la fonction publique. Actuellement, les assistants sociaux-éducatifs, selon la classification et la grille indiciaire de la fonction publique territoriale relève de la catégorie B relative aux diplômes affiliés à un niveau Bac+2. Dans le cadre de la réforme de la catégorie B de la fonction publique territoriale, les syndicats « réclament la reconnaissance du niveau d’études à bac + 3 des travailleurs sociaux et l’accès de ces derniers à la catégorie A[4] ». Néanmoins, là aussi, le secteur se trouve en but avec les instances politiques puisque ces revendications ont fait l’objet « d’une fin de non recevoir[5] ».

 

Le 26 octobre 2010 débutera la première conférence nationale des formations sociales « sous l’égide de l’Association des régions de France et de la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS)[6] ». Cette rencontre sera l’occasion « de confronter les analyses, de mettre en commun des diagnostics et de tracer des perspectives d’évolution pour les formations et les diplômes du travail social[7]. Un rendez-vous important pour notre groupe de travail et de réflexions sur les formations sociales. A ne pas manquer, me semble-t-il, pour éviter que les formations du champ social restent la 5ème roue du carrosse.                    

 

RB, assistante sociale du travail en InterEntreprises, en préparation de la licence Relations du Travail et Intervention Sociale (CNAM Paris), membre du Mouvement Pour une Parole Politique des Professionnels du Champ Social : http://www.mp4-champsocial.org/  - mis en ligne le 11 mai 2010

 

g.bertrand9@laposte.net

 


[1] Pour les formations de niveau Bac+2 telles que Assistant de Service Social et Educateur Spécialisé

[3] Voir les articles récents parus dans les  ASH sur ce thème : Actualités Sociales Hebdomadaires - N° 2658 - Date : 07/05/2010 http://www.ash.tm.fr/rechercheV2/index.php?search=ASH/4&i=0&titre=Stages+en+travail+social+%3A+le+S%C3%A9nat+adopte+le+texte+suspendant+l%27obligation+de+gratification

[4] MARYANNICK LE BRIS Rénovation des grilles : les syndicats veulent une reconnaissance du niveau des diplômes sociaux - Actualités Sociales Hebdomadaires - Numéro 2657 du 30/04/2010 - http://www.ash.tm.fr/rechercheV2/index.php?search=ASH/5&i=0&titre=R%C3%A9novation+des+grilles+%3A+les+syndicats+veulent+une+reconnaissance+du+niveau+des+dipl%C3%B4mes+sociaux

[5] Ibid.

[6] Actualités Sociales Hebdomadaires - Numéro 2656 du 23/04/2010 Dans les textes - En bref

[7] Extrait communiqué du 16 avril 2010 de la DGCS cité par ASH – En Bref 23/04/2010

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :