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Publié par Régine BIANGONGA

                                              Trois ans que je n’ai pas écrit –publié- sur ce blog.

                                               Me voilà de retour.

                                               Ni tout à fait la même.

                                               Ni tout à fait une autre.

                                               (Merci Verlaine)

                                               Je vous apporte une nouvelle.

     Ecrite pour un concours : http://www.aufeminin.com/evenement/ecrire-aufeminin/                                              Mais demeurée à l’ombre. Dans un tiroir.

                                               Il lui fallait un peu de lumière. Une exposition.

                                               Elle est un des fruits de mon travail d’écriture

                                               Lentement peaufiné avec les ateliers d’écriture

                                               D’Aleph écriture : http://www.aleph-ecriture.fr/-Accueil-

                                               (Merci à eux).

Thème : Je ne suis pas venu(e) parce que …

MINE DE RIEN

Clara arrive à l’institut capillaire. Une sirène résonne au loin dans la ville. Son portable indique 12 h mercredi 1er juillet 2015. Elle le range dans son large sac en cuir grenat, accordé à sa jupe droite, réajuste son chemisier blanc, replace la bride de ses hautes sandales noires  et pénètre dans la boutique. Au tintement de la porte, une hôtesse au large sourire s’approche d’elle, l’accompagne jusqu’à une alcôve aménagée : grand miroir, large fauteuil, tablette, tiroirs, étagères de verre avec matériel de coiffure et produits de mise en beauté savamment agencés. Clara se laisse glisser sur le siège moelleux, esquisse une mimique à son reflet sous le regard jovial de son hôtesse.

Marie soulève le lourd rideau de la fenêtre de son salon. Elle scrute la rue. Des silhouettes se détachent dans la clarté de midi rue de Roseuil. Aucune n’a la chevelure longue bouclée rousse-orangé flamboyante de sa fille. Clara aurait oublié ? Impossible ! Deux ans que ça dure, sans faille, chaque premier mercredi du mois. Lassée, Marie se détourne du spectacle de la rue. Sur la table, deux couverts ont été mis. Au centre, le soufflé fait grise mine. 

Clara observe, face à la glace, les ciseaux muent par l’hôtesse. Ils cliquètent autour de sa tête telle une nuée d’oiseaux. Les longues boucles rousses se détachent et viennent  joncher le sol. Une partie d’elle, infime et précieuse, se meurt à ses pieds. Elle ferme les yeux un instant. Elle a longtemps hésité avant de venir à l’institut. Mais les cheveux qu’elle retrouvait en tas sur l’oreiller après les nuits de sommeil plombées et les trouées qui se créaient alors dans sa chevelure ont eu raison de ses réticences. À présent, les doigts experts de la coiffeuse arrimés à la tondeuse laissent choir ses cheveux par paquets. Elle regarde, comme hypnotisée, le mouvement se faire et se refaire. L’ovale de son crane apparait peu à peu, glabre, nu, indécent.  

Marie navigue entre la fenêtre et la table du salon, s’assoit un instant, repart guetter les ombres dans la rue. Personne. Des idées lui traversent l’esprit, s’entrechoquent : peut-être lui est-il arrivé quelque chose de grave ? …mais Clara a 35 ans, elle est bien libre de faire ce qu’elle veut... Elle saisit son téléphone, appelle Clara, tombe sur sa messagerie  « …je ne suis pas disponible… ». Elle  raccroche. Sans voix. Se triture les mains machinalement.

Clara écoute distraitement la voix doucereuse de l’hôtesse : « Voyez cette perruque, touchez comme le cheveu est soyeux, le tissage est très agréable sur le cuir chevelu. Elle est dans vos tons roux orangé et avec une bonne longueur … comme vous aviez… mais cela n’aura de toute façon pas le  gonflant naturel… Vous avez aussi celle-ci d’un roux plus soutenu presque rouge avec de jolis reflets, courte, légèrement bouclée, regardez la souplesse du cheveu … ». Clara s’escrime à fixer son attention sur les perruques présentées. Des artifices pour cheveux. Du factice pour chevelure ! Et se promener tête nue ? Une nouvelle vibration de son portable posé devant elle sur la tablette interrompt ses pensées. « MAMAN » s’affiche.

 « Excusez-moi » dit-elle à l’hôtesse. « Je reviens ». Celle-ci la regarde interloquée se diriger vers la porte de la boutique et en sortir allégrement.

- Allo, Maman ? dit-elle d’une voix forte sous l’œil suspicieux d’un passant.

- Clara ? Enfin !  Je m’inquiétais.

- Oui, Maman. Mais je ne suis plus une petite fille !

- D’accord, mais tu aurais pu me prévenir !

- Maman, les choses ne sont pas aussi simples que ça. Je suis malade. J’ai un traitement lourd. Je perds mes cheveux !

- Oh ! murmure Marie en s’effondrant sur son siège.

- Je suis au salon de coiffure. Il fallait que je le fasse. Clara passe une main sur son crane lisse, imberbe. Maman, je ne suis pas venue parce que … parce que … touttout a une fin !

-  Bien sûr. Bien sûr. Mais tout de même ! balbutie Marie.

-  Maman, je dois y aller là.

-  Oui, Clara mais … ne m’oublie pas.

- Mais non, maman, tu vois bien que je t’appelle là !  hurle Clara avant de raccrocher sous le regard médusé d’une passante.

Clara pose une main ferme sur la poignée de la porte du salon et rejoint l’hôtesse. Elle lui désigne la perruque rousse courte : « Je prends celle-ci ». Clara referme la porte du salon capillaire, les chauds rayons du soleil la revigorent. Elle cligne un instant des yeux. Choisit sa direction. Et d’un pas alerte, tête haute, irradiée d’un halo rouge incandescent, traverse la place.

 

NOUVELLE(S)

Lire, écrire : un même élan de passeur, de présence au monde.

Merci aux écrivains, aux écrivaines qui ont peuplé, peuplent toujours mes jours et mes nuits.

Un merci particulier à Marie-Hélène Lafon http://www.m-e-l.fr/,ec,600  chère à mon cœur –et corps- de lectrice et d’apprentie écrivant. Je vous livre un extrait de son dernier ouvrage Chantiers Editions des Busclats p.15 « On y est ; à l’établi ; in situ ; et c’est une place dans le monde, un creux pour le vertige et la jubilation, ensemble, les deux, à fond à fond à fond. Le texte se fait en se faisant, le verbe se fait chair et la chair des choses s’incarne par le verbe, c’est circulaire, ça fait corps, corpus ; »  

Une nourriture essentielle !

Au plaisir d’échanges, de mots, d’idées !

MLB              

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